
Le soleil qui réchauffait et tenait à distance la fraîcheur des pelouses sur lesquels on s'assied ou s'allonge encore prudemment lance ses derniers rayons, à l'aplomb d'un immeuble voisin. Bientôt, il faudra replier la nappe qui sert de tapis, ramasser les quelques jouets épars, délaissés aussitôt que sortis, l'attention des tous petits enfants n'étant pas réputée pour sa constance.
La file des gourmands tendant les mains vers leurs gaufres trop chaudes s'est clairsemée, ce serait l'heure idéale pour aller chercher ce café qu'il a fallu patienter si longtemps pour obtenir.
Le petit garçon et son père qui jouaient au football avec un ballon coloré sont partis, emportant avec eux les regards envieux du petit chat qui aurait bien joué avec ce ballon-là, qu'il aurait pourtant eu grand-mal à prendre dans ses mains encore miniatures, emportant avec eux la maman transie qui avait drapé le blouson de son fils aux joues rougies par les courses sans fin après la sphère multicolore autour de ses genoux.
C'est l'heure où les prénoms résonnent, tirés de classiques, plus exotiques parfois, mais toujours avec ce ton définitif qui marque la fin des jeux et l'heure du départ.
C'est le moment que choisiront les canards pour retrouver le centre du petit lac, gavés de pop corn et de quignons de pain rassis, reprenant enfin leurs droits sur leurs promenades terrestres, sans risque d'y laisser quelque plume.
C'est à ce moment là que les dames âgées tapotent d'une main leur indéfrisable et resserrent leurs foulards autour de leur cou grêle, jetant un dernier regard en coin au compagnon de banc qui leur a gentiment fait la conversation, donnant un rendez-vous tacite, et non sans coquetterie, pour le lendemain, si le soleil est là, n'est ce pas?
Les coureurs, et joggers, et autres gens pressés de compter leur pas et le rythme de leur coeur, profitent de la fraîcheur soudaine pour aller sans zigazguer entre les pièges tendus par les poussettes abandonnées ça et là, les tricyles renversés, les tentatives hasardeuses des plus grands de lancer leur bicyclette sans les roues d'appoint. Le rythme de leur pas n'a plus d'écho dans le murmure des sabots des quatre poneys que chevauchaient encore il y a une heure, fiers comme des chevaliers du temps jadis, les enfants qui réclamaient un tour de plus tant celui-ci est bref.
Le flux de la foule s'amoindrit, avalé par les portes de sortie qui donnent sur l'avenue Reille, l'avenue René Coty, les escaliers de la rue Gazan, le boulevard Jourdan et le glissement de son tramway qui a encore l'éclat d'un sou neuf.
Sur les pelouses, en dépit de l'humidité qui commence à percer les multiples couches de vêtements, quelques groupes adolescents, quelques adultes s'attardent, certains vidant le reste d'une bouteille de vin dans des gobelets sans plus avoir à craindre le regard désapprobateur (ou envieux?) des mater familias.
Tout le monde regarde le ciel rosir et se demande si demain... Puis, tous, retiennent un frisson, car la fraîcheur du soir se fait soudain plus présente. Les enfants rêvent aux balançoires, aux frasques de Guignol, aux courses effrénées sur les grandes pelouses, les adultes planifient les incontournables bains où flotteront sans doute quelques brins d'herbe collés aux mains poisseuses de goûters, aux nuques humides encore de la sueur des jeux, le repas sera simple et rapidement expédié.
Tout le monde aspire au repos, au calme, à la chaleur réconfortante de la maison que l'on a pourtant quittée à toute hâte tant il semblait dommage de perdre quelques minutes d'ensoleillement.
Demain, peut-être, il fera beau...
Demain, peut-être reviendrons-nous au Parc Montsouris.
1 commentaire:
Vous lire "repose".
Vous comprendrez sans peine ce que j'entends par là...
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