mercredi 19 novembre 2008

Réveil

Je l'avais commencé tant de fois que je n'arrivais plus à trouver une version qui convînt. Je le défaisais chaque nuit, dans le brouillard de la déception de n'avoir pas assez bien fait. Je me levais, une sueur glacée au creux de la nuque, le coeur battant, froissant les draps qui s'emmêlaient dans mes jambes battant contre le drap soudain trop chaud. J'en cherchais le souvenir démêlé lors d'un trop bref sommeil. J'en guettais les échos dans le bruit des moteurs résonnant sous la fenêtre. Je peinais alors à regagner des bras que j'imaginais réconfortants et qui, désormais, se dérobaient à mon étreinte éperdue.

J'étreignais l'oreiller qui avait retrouvé sa fraîcheur, avec l'énergie d'un naufragé s'écorchant à sa planche vermoulue, balayée par la houle. Mon esprit courait les routes vides de ma mémoire. Les mots couraient plus vite que ma volonté de les rejoindre. J'entrapercevais les couleurs, je devinais les chocs, j'entendais comme assourdi, le son des phrases qui s'entrecroisent mais demeurent indistinctes. J'entrevoyais le système, je m'apprêtais à en démêler l'écheveau mais comme la branche à la main de Tantale, le réseau enfiévré et frissonnant me restait inaccessible.

Je l'avais commencé tant de fois, et tant de nuit achevé. Je l'avais vu sous ma main, prendre forme et naître, en forme et en essence. Mais comme une flaque de sang s'échappant d'une plaie ouverte, il se dérobait à ma volonté.

J'avais tenté de le convaincre, de cette voix douce que l'on prend pour calmer les enfants. J'avais tenté de le raisonner, de cette voix ferme que l'on prend pour expliquer aux sots. J'avais tenté de l'attirer en prenant des accents de sirènes. Mais il se riait de moi, dissimulé dans l'ombre d'une mémoire interdite, fermée à clef.

Je savais qu'un jour je trouverais la clef de la boîte de Pandore. Je savais qu'un jour j'entrebâillerais l'armoire aux mille secrets. Je savais qu'un jour je l'aurais face à moi, acculé dans ce recoin jusque-là resté caché. Je savais qu'un matin je m'en souviendrais et que je l'écrirais d'une traite, ce texte qui ne voulait pas vivre.

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