Mon esprit trouve un écho sourd dans cette tête qui disparaît, dans cette impression vague et fumeuse d'un contrôle qui s'échappe.
Deux jours durant, je n'ai plus contrôlé les actes élémentaires de la vie quotidienne.
Deux jours durant, le moindre geste évident m'est devenu rocher de Sisyphe.
La station debout, principe élémentaire de vie de l'homo erectus depuis la nuit des temps, m'était devenue intenable, et me jetait dans un vertige tourbillonnant finissant immanquablement par un contact brutal avec la moquette.
Le simple battement de mon coeur, condition sine qua non de mon état d'être vivant, connaissait des hoquets et des accélérations inquiétantes comme la vision d'un oiseau chassant en piqué pour ne se rétablir qu'à l'approche du sol, se crispant dans ma poitrine et s'affolant sous ma main portée là à grand peine.
Le seul acte de tenir mes yeux ouverts m'occasionnait une brûlure que mes paupières brusquement rabattues ne pouvait rafraîchir.
Ma voix ne répondait plus à mes consignes maladroites, et se laissait aller à des gémissements animaux, des geignements indistincts.
Mon sommeil agité, sans laisse pour le retenir, produisait des chimères et des monstres aux étreintes terrifiantes.
Ce sont là les symptômes d'un état amoureux avancé, me direz-vous...
Oui, mais non.
Ce lundi soir j'ai partagé mon lit avec un de ses pics de maladie que l'on redoute tout en sachant qu'ils vous rattraperont un jour.
J'ai amoureusement enlacé les délires fiévreux d'un corps qui prend sa revanche sur la contrainte quotidienne qu'on lui impose.
J'ai déposé les armes d'un esprit qui perd le contrôle aux pieds de la faiblesse à l'état pur.
Mais, dans un mouvement de rébellion sans doute, mon esprit n'en a pas moins conservé l'idée de ce parallèle selon lequel l'amour et la maladie sont deux affections présentant les mêmes symptômes.
On peut lutter contre leurs manifestations, rejeter l'évidence de leur survenance, se déclarer totalement immune, on n'en est pas moins réduit, irrémédiablement, à cet état de faiblesse mentale, à cette absence de volonté qui, tout à coup, nous prive de bon sens et de la faculté d'accomplir gratuitement et sur commande, les gestes les plus quotidiens. Dans les deux cas, ils imprègnent le moindre de vos actes, vous éloignent un instant du pragmatisme nécessaire à une vie sensée.
L'un comme l'autre sont difficiles à soigner, à moins d'avoir recours à des remèdes puissants, à la volonté propre de tourner la page sur ces moments d'oubli de soi ou de conscience trop marquée de soi, au déni de l'existence même d'une telle faiblesse.

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