
Les vêtements se caractérisaient par un goût prononcé pour des couleurs improbables : jaune poussin, caca d'oie, vert colvert... Une vraie basse-cour si l'on y songe bien. Quant aux formes, cols pelle à tarte, pantalons patte d'éph' ou coupe cloche, un véritable cagibi... La musique se partageait en courants bien distincts:
Il y avait le rock très rock réminiscence des années précédentes, des redites de Jerry Lee Lewis, de Chuck Berry et du King, pas encore mort, qui se produisait à Vegas avec foison de paillettes.
Il y avait le rock planant à tendance psychédélique des Floyds, des Doors, des Grateful Dead; on reprenait en fredonnant les refrains de Joan Baez, Bob Dylan, Simon & Garfunkel; on se déchaînait sur AC/DC, Scorpions ou Iron Maiden (oui déjà).
La musique électronique gagnait le devant de la scène et ses lettres de noblesse avec Kraftwerk (si, tout le monde connaît forcément Die Robots ou Radioactivity, sinon clickez là >http://www.youtube.com/watch?v=65uIQGSheCw ).
Mais surtout il y avait LA chanson française...
Et là, on touchait à la quintessence du genre... Que penser d'une époque où la tête des charts voyait se battre Léo Ferré (C'est extra), Mireille Matthieu (aaaaaah les mille colombes, comme quoi je me souviens au moins d'un titre d'elle), Alain Barrière (Tu t'en vas), Barbara (l'aigle Noir), Mort Shuman (Papa tango Charly), Georges Brassens (Fernande), Serge Gainsbourg (et ses sublimes Variations sur Marilou) face aux tubes du disco - y compris ceux produits par des Français?
Et on ne pouvait même pas emporter sa musique avec soi en voiture (à moins d'aimer les programmations des radios ayant pignon sur rue, car à l'époque point de FM, même pas encore vraiment de radios pirates chez nous). Et quelles voitures...
Ah les Simca, les R11, les 2CV et les 4L. Pour les plus nantis les Peugeot à formes arrondies qui gardaient encore une nostalgie des années 50. Des GS pour les amateurs de Citroën ayant alors les moyens, avec système hydraulique qui faisait écarquiller les yeux des enfants.
Lorsqu'on allumait le poste de télévision, on avait une, deux, allez peut être trois chaînes (cela fait si longtemps qu'on en perd la mémoire), les Tifins avant d'aller au lit, bonne nuit les petits, Nounours et le marchand de sable en couleurs, Saturnin le canard fuyant la fourbe belette, Casimir et le kiosque de Julie, les visiteurs du mercredi, Croque Vacances et la dame de Montsoreau, Garcimore, sa petite souris blanche et les fous rires de Denise Fabre.
L'époque était insouciante en apparence, en dépit de la crise bien présente, et des campagnes anti-gaspi au graphisme amateur.
Peut-être est-ce cela qui nourrit la nostalgie, l'inconscience des préoccupations que nous eussions eu si l'âge adulte nous avait alors frappé de plein fouet. Ou peut-être qu'au lendemain des trente glorieuses l'époque surfait encore sur l'illusion de la facilité, dans un monde où l'on ne vivait pas au rythme des sondages d'opinion et des statistiques omniprésentes aujourd'hui.
Nous vivons une époque stagnante et coercitive, cependant les avancées technologiques passées dont nous pressons aujourd'hui les fruits nous ouvrent des portes libertaires insoupçonnées alors, et notre libre arbitre ciselé au marteau d'un cynisme contextuel nous transforme en juge-pénitents, Clamence modernisés et suréquipés qui prenons la toile pour confessionnal en lieu et place d'une salle de bar des bas-fonds hollandais.
Blogs, réseaux sociaux, forums sont nos agoras fréquentées vingt quatre heures sur vingt-quatre, où nous déversons notre trop-plein de pensées, partageons nos émotions, dans un monde programmé pour la froideur et la réussite à tout prix. La nostalgie a le goût des Carambar d'antan, mais elle manque du sel de notre expérience.
Pourquoi ne pas avoir la nostalgie des instants à venir plutôt?
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