samedi 16 octobre 2010

De omni re scibili, et quibusdam aliis

Petit vademecum poétique pour celles et ceux qui voudraient faire de leurs sonneries d'iphone une joie récurrente et non un facteur de stress. Pour celles et ceux qui ont compris qu'une sonnerie personnalisée était un filtrage en soi. Pour celles et ceux qui ne supportent plus les bip bip bip et les dring dring.

Vous vous lassez déjà des sonneries natives

(j'ai bien failli taper "des conneries hâtives")

et souhaitez désormais ouïr un gazouillis

plus doux et mélodieux que l'infâme roulis

des trois notes classiques maintes fois répétées,

du klaxon de papy à la voix enrouée,
de la ligne de harpe qui donne envie de fuir?

Lisez attentivement les lignes qui vont suivre

Car pour ceux qui ne veulent débourser un penny

il existe un moyen facile de contourner
la dictature qu'itunes souhaite nous imposer
en réservant l'option "créer des sonneries"

aux seuls fichiers que l'on a chez eux achetés.

Choisissez un morceau au son plus avenant

- un Cure quitte à choisir plus que Sylvie Vartan -

élisez le passage que vous souhaitez garder

en notant les timecodes sur un bout de papier.

Un clic droit puis "obtenir des informations"

dans la fenêtre sélectionnez l'onglet "options"

une foule d'infos vont vous être affichées :

c'est là qu'il vous faudra entrer soigneusement
les timecodes en cochant, ça, ne l'omettez point
les cases indiquant début mais aussi fin,
concluez par OK, cela semble évident.

Dans la playlist itunes, retrouvez cet extrait
- sa durée limitée permet de faire un tri -
et d'un nouveau clic droit avec votre souris
désignez "création de la version AAC"

Itunes vous donne un bing et c'est presque bouclé
(avant de continuer pensez à retourner

dans le menu options et à tout décocher);

explorez le dossier Itunes où sont rangés

les morceaux, par magie vous y retrouverez
l'extrait
qui s'est depuis doté d'une extension

m4a, choisissez "renommer", cette terminaison

en m4r vous allez donc la transformer.

Il ne vous reste plus qu'à glisser ce fichier
dans l'onglet "sonneries" qu'à gauche vous trouverez
Branchez le téléphone, et dans l'onglet dédié
cochez bien les morceaux et puis... synchronisez.

La leçon est finie, a-t-elle pu vous aider?
Y avez-vous trouvé réponse à vos questions?
Les plus malins riront de ses complications
Mais pour les sonneries, sans Itunes, c'est raté...


vendredi 3 septembre 2010

Patior ergo sum

Eluard a intitulé un de ses volumes "Capitale de la Douleur". Qu'en est-il des douleurs capitales? De ces douleurs dont on pense ne pas se remettre, et qui s'étendent dans le temps au point que l'on voudrait s'assommer contre un mur ou se tirer une balle pour que cela cesse enfin?

La souffrance est un sujet que l'on n'aborde qu'avec prudence, et certainement pas dans une conversation courante.

A la question quotidienne et dénuée de sens à la longue "Ca va?" (Bruckner écrit un encart remarquable sur le sujet dans L'Euphorie perpétuelle: Essais sur le devoir de bonheur publié en 2000), se voit-on raisonnablement répondre que "non, ça ne va pas, je me suis tordu(e) de douleur pendant deux heures cette nuit"?


Non


La Faculté n'a pas son pareil pour nous lancer des défis improbables. ll nous faut désormais être en mesure de définir la douleur ressentie sur une échelle graduée de 1 à 10. Quelle bonne blague... On passe au mieux pour non-malade, au pire pour douillet. Mais comment peut-on raisonnablement penser possible de comparer des seuils de douleur provenant d'affections et de pathologies à la diversité vertigineuse?

Je cherche encore la réponse.


Et puis il y a ce que l'on appelle être dur au mal...

A la longue, la douleur s'apprivoise, et ce qui noussemblait intolérable il y a quelques mois, devient normalité indolore. Le mal est là pourtant, tapi, guettant l'occasion de monter crescendo, de faire résonner sa toute-puissance.

Il ne fera aucun cadeau. Il fera feu de tous bois, et vous terrassera comme jamais auparavant.
Comment supporter le retour de cette douleur dont l'intensité ne cesse d'augmenter. Comment prendre sereinement les heures passées en examens divers et variés et dont les réponses ne satisfont personne?

La difficulté vient parfois de la mise en pratique de l'adage selon lequel le remède est parfois pire que le mal... Se faire soigner et guérir oui, mais à quel prix? N'oublions jamais que le patient, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'est pas celui qui attend la délivrance, mais celui qui souffre (même racine latine que le verbe pâtir)

Le traitement de pathologies lourdes et, si laissées en l'état, létales est un processus destructeur. Chez certaines femmes, il va de pair avec la perte d'une partie de soi, la « pound of flesh » shakespearienne en règlement de la dette sanitaire, dont l'impact psychologique en cela qu'il entame le principe même de leur féminité est plus douloureux que la maladie, sournoise et tapie, discrète et indolore pour un temps.

Et souvent, cela ne s'arrête pas là, puisqu'il faut terrasser la bête immonde au prix de séances que toutes décrivent comme difficilement supportables, puisqu'après sa féminité c'est son identité et son apparence offerte aux yeux d'autrui qu'il faut voir subir une rapide dégradation. Peau qui se parchemine et se grise, cheveux qui se raréfient et finissent par ne plus être qu'un souvenir. Spectacle auto-imposé d'une décadence accélérée, rappel de la vanité de notre passage sur la terre, et tout cela subi pour contrecarrer l'avancée de la douleur.

D'une façon optimiste, considérons que ces traitements portent leurs fruits, mais comment gère-t-on l'après-douleur?

Lorsqu'on a partagé ses jours avec ces douleurs capitales, physiques ou psychologiques, comment vit-on l'après, celui qui se borde d'appréhension chevillée aux souvenirs?

Hélas, dès lors que l'on ne souffre plus de façon exhibitionniste et reconnue par la Faculté, il n'y a guère d'accompagnement possible, il n'y a plus rien que le dialogue silencieux entre soi et sa peur. Sa peur de quoi?



Que tout cela recommence.

dimanche 11 avril 2010

"Longtemps je me suis couché de bonne heure."


Quand les journées sont douces comme celles-ci et que mon ordinateur me conduit d'une musique à l'autre sans que je tente la moindre interférence, me viennent des envies de relire toute la Recherche en 24 heures... de me lancer dans l'exercice puissant d'une lecture amusée du journal des Goncourt, de celui de Jules Renard.

Je ressens bien plus qu'à n'importe quelle heure l'envie d'avoir vécu une autre époque. Je cherche sur le fauteuil de rotin la fine camisole brodée que portait mon arrière-grand-mère avant moi et que j'ai trouvée dans un coffre au grenier et emportée dans ma valise un jour d'été trop moite. Je me demande où se trouvent les cache-corsets bordés de Calais dont je devais fixer les bretelles par des épingles pour éviter qu'ils ne bâillassent quand je trouvais du dernier chic des les porter sur un jean, il y a près de vingt ans.


Il me vient des envies de dentelles fanées, de gants jaunis en chevreau, de cache-poussière séculaire, de ressortir les bibis et chapeaux à voilette sagement rangés dans des cartons ronds, au plus haut des armoires de ma chambre d'enfant.


Je pourrais un instant parcourir le chemin en arrière sur la route des décennies en jouant d'un éventail aux lames assouplies par l'usage quotidien dans les chaleurs andalouses, en drapant mes épaules d'un châle aux laines douces et précieuses, en nouant autour de mon cou le ruban de velours noir où repose un camée, en me laissant porter une fois encore, toujours, avec la même volupté par les premières notes de la Traviata - pourquoi l'ouverture de la Traviata me met-elle toujours dans un état de rêverie et d'anticipation tel que j'en viens à divaguer de la sorte, me direz-vous? Inexplicable et cependant imparable... J'ai toujours été emportée par quelques-unes, oh si peu, de ces notes, irrémédiablement et le fait d'avoir vu de nombreuses fois cet opéra ne m'en a jamais guérie ; à chaque fois je frissonne -.


Non, je ne veux à cette heure que des parfums passés aux senteurs de frangipaniers ou de lavande et musc, des thés pris à l'ombre de chèvrefeuilles et dans la douceur sucrée du jasmin qui éclot, des cuillères à absinthe ouvragées abandonnées sur des tables, des bruissements de taffetas et de soie moirée dans les allées des Tuileries ou du Luxembourg, des gants qui s'effleurent, toujours comme par mégarde...


Je veux que mon regard se baisse hypocritement et filtre à travers les cils en voyant passer un de ces élégants à la Robert de Montesquiou, à défaut d'un Charlus, guettant le mouvement de balancier d'une canne dont l'usage n'est autre qu'esthétique. Des époques où le fait d'être femme ne protégeait de rien, mais n'empêchait pas pour autant d'exprimer une part de soi, un temps de codes aujpurd'hui surannées mais bien plus expressifs que les acronymes et onomatopées contemporains. Un rêve de matières précieuses, de senteurs animales, de rubans à dénouer, de plumes à fixer, d'étoffes à froisser, d'épaisseurs à trousser, de chevilles qui apparaissent soudainement dans le sillage d'un pas trop vif. Une nostalgie de regards authentiques et d'instantanés volés, des rencontres improbables, mais des rencontres tout de même : « Car j'ignore où tu vas, tu ne sais où je vais, ô toi que j'eusse aimé, ô toi qui le savait »

Ce soir je m'endormirai en me rêvant Colette, Léontine Caillavet, Laure de Sade, comtesse de Chevigné, Elisabeth Greffulhe, Sarah Bernhardt, Anna de Noailles et tant d'autres encore... Et demain je retrouverai ce maussade XXIe siècle qui n'a pas ces légèretés des autres temps...


El sueño de la razón produce monstruos


La sensation du vide est la plus déplaisante. Elle induit la possibilité d'une chute sans fin, elle prévient de son imminence par une forme de haut-le-coeur qui vous laisse ce dernier battant la chamade. Plus qu'un vertige, c'est une impression de perte de soi qui prend le dessus et fait surgir sueurs froides et angoisses. J'ai toujours détesté dormir dans des lits qui n'avaient ni contact avec le mur ni meuble mitoyen pouvant pallier cette absence insupportable de garde-fou. Par quelle étrange le motivation un corps en équilibre précaire est-il irrésistiblement attiré par le vide et quelle obscure raison lui fait ressentir les quelques centimètres qui le séparent du sol en gouffre sans fond. Combien de réveil urgents et haletants, la nausée au bord des lèvres, au sortir d'un rétablissement de dernière minute avant la chute? Dormir n'est pas toujours un abandon à la sérénité et à l'oubli, le sommeil ouvre les portes des champs Phlégréens, des portes de l'Enfer de Virgile.Dans ses vapeurs toxiques, on perd le sens des choses, la réalité se fond et se confond, et l'on s'interroge à postériori sur la véracité de mots échangés, sur la collusion entre le vécu et l'imaginé. Ai-je eu cette conversation-là, ai-je visité ce lieu-ci, ai-je pris ces décisions de façon irrévocable?

Cette chute dans le vide est souvent le moyen que trouve notre corps de nous sortir de rêves aux méandres qui se complexifient, et dont nous peinons à trouver le dénouement. Libéré des contraintes sociétales et des inhibitions du quotidien, notre esprit prend ses aises, compose sa propre bande originale, réalise des castings improbables, nous balance in media res dans des schémas actanciels inimaginés et irréalisables. Comme pour tester notre capacité à réagir et à agir dans le cadre de ces mini-crises que nous évitons soigneusement en journée.

Cela explique que certains réveils soient plus épuisants que les journées qui les ont précédés.
Et cela confime mon regret de toujours : que l'on ne puisse induire la nature des rêves à venir en s'abandonnant au plaisir des pages.

Combien de fois n'eussé-je pas préféré passer la nuit dans les troubles bas-fonds londoniens explorés par certains auteurs, plutôt que de revivre une journée blanche de bureau - aux accent si véridiques que je peine à émerger de l'abri de ma couette au matin, tellement persuadée d'avoir d'ores et déjà vécu la journée qui m'attend - , combien de promenades crépusculaires dans les jardins de l'Alcazar, combien de chevauchées matinales dans la brume des marécages, d'après-midi de visite chez la duchesse de Guermantes n'eussé-je pas échangé contre mes chutes répétées, mes réveils hagards, mes angoisses encore vives et qui me collent les cheveux aux tempes et à la nuque?

Pas de monstres dans les placards ou sous le lit donc, juste des occasions manquées, des pas qui trébuchent, des basculements qui préemptent une chute que l'on retient sur le fil et qui ont le goût amer de la survie.

Goya avait raison "el sueño de la razón produce monstruos"

vendredi 2 avril 2010

Métropolitain

(ce texte a été publié le 12/06/08 sur un support n'existant plus)

Je ne sais si je m’en remettrai… La nouvelle est effroyable, le choc est rude. Dois-je acquérir sur le champ quelque métrage de crêpe noir pour m’en voiler ? Est-ce une perte que l’on ne saurait surmonter sans observer , au préalable, une longue période de deuil ?

Oui, la nouvelle est tombée ce matin comme une météorite sur la Tour Eiffel… Le Métrosexuel n’est plus.

Moi qui commençais juste à m’habituer à son existence, recueillant deci delà quelques informations glanées au détour d’une conversation sur les mœurs du temps sur ses us et coutumes, et qui tentais petit à petit de modéliser une figure tridimensionnelle de cet objet nouveau et incontournable.

Sera-ce un hommage à titre posthume que ce propos décousu qui n’est encore à ce jour qu’une ébauche d’étude et qu'il convient de livrer immédiatement de peur que son objet ne sombre dans l'oubli ? Le glas a-t-il vraiment sonné pour accompagner solennellement ce cercueil designed by Starck et doublé par Burberry's, avec compartiments latéraux pour l'Iphone et brumisateur d’huiles essentielles ?

Je ressens l’amère frustration de l’enfant dont le jouet s’est brisé avant que ne se termine le jour de Noël, victime d’un emportement enthousiaste ou de rivalités fraternelles. Je suis pareille à l’utilisatrice de sex toy qui se rend compte dans la chaleur de la nuit que les piles R4 ne sont pas incluses dans la boîte de son nouvel ustensile et que l’épicier du coin vient de clore son rideau de fer. Je vis le drame intense de la ménagère ayant promis à ses enfants un quatre-quarts pour le goûter du dimanche après-midi et dont le placard ne contient plus une poussière de farine.

La mode et ses tourbillons vertigineux m’ont piqué mon nouveau jouet et c’est insupportable !

Moi qui venais de comprendre que le métrosexuel était un être très agréable à fréquenter, en dépit du complexe d’infériorité que j’étais en droit de ressentir (undomestic goddess par excellence) lorsque confrontée au soin méticuleux qu’il apportait lui-même à son linge, j’en tremblais de dépit

Moi qui avais réalisé avec stupéfaction qu’il y avait dans cet homme un être capable de converser longuement des mérites respectifs du cachemire trois fil et d’un cirage à la brosse pour certaines qualités de cuir, j’en gémissais de rage.

Moi qui pouvais - sans avoir à entendre un ricanement sur les étiques repas à trois feuilles de roquette - gloser sur les qualités nutritionnelles des recettes de poisson vapeur aux légumes croquants, je m’abandonnais au désespoir le plus sombre.

Moi qui avais placé tant d’espoir dans l’émergence de cet homme nouveau, sans une once de féminité cachée mais préoccupé par sa qualité et son hygiène de vie, esthète éduqué sachant être jouisseur tout en gardant de la mesure, exigeant envers les autres mais avant tout envers lui-même, je me sentais soudainement orpheline.

L’übersexuel avait triomphé…

Aux poils soyeux et entretenus à l’aide d’une tondeuse d’une barbe de trois jours gommée et adoucie succédait sur le trône de la désirabilité la figure hirsute et néanderthalienne d’un Chabal (je me réfère là à sa seule image, l’homme est paraît il d’une grande douceur et discrétion), à l’esthète averti se plaisant à écouter sans jouer les connaisseurs aussi bien une pièce de Boccherini qu'une ligne de basse de Simon Gallup succédait l’amateur de Bon Jovi ou 50 cents dépenaillé…

Le règne du poil libéré était annoncé, et avec lui le chant du cygne de la métrosexualité. Et je le tenais de source sûre... un métrosexuel exorcisé en personne.

Bigre…

Quelques heures plus tard, force me fut de constater de visu que l’individu qui m'avait initié au concept et qui servait de modèle standard à mon étude empirique du métrosexuel (sa vie, son œuvre) portait néanmoins au poignet un sac de courses contenant des produits d’entretien capillaire, de ceux qui eussent fait rire Chabal à s’en éclater la rate.

En dépit de sa mort annoncée, tel Lazare relevé de son lit de mort, à défaut de bander, le métrosexuel bougeait encore…

lundi 29 mars 2010

Tempus volat, hora fugit

Le passage du temps n’épargne personne. Le dire revient à enfoncer une porte ouverte, j’en conviens, toutefois il est des moments où l’on en vient à penser qu’il nous épargne encore moins que d’ordinaire.

Une connaissance me narrait récemment le désagrément que lui avait occasionné une récente visite dans une enseigne connue de parfumerie où il s’était rendu pour acheter une fragrance enivrante, garante d’un sex-appeal décuplé. La démarche n’avait donc rien de déplaisant de prime abord, le fait de fleurer bon n’enlevant en rien sa virilité à l’homme civilisé, qui, déjà à l’époque de Ramsès II, aimait à sentir le musc, la myrrhe et le benjoin… parce que c’est bien plus agréable que de dégager une odeur de purin, pardi.

Aucune interprétation possible pouvant conduire à une assimilation de l’individu qui nous sert d’exemple et d’alibi à un métrosexuel (pour la définition, se référer à ce post là --> en cliquant là --> post http://moleskine-by-ido.blogspot.com/2010/04/metropolitain.html) donc.

Un homme qui va acheter du sent-bon (comme disent les enfants) reste un Homme, on ne va pas essayer de lui fourguer de la terra cotta ou du mascara masculin (si, ça existe !) au passage…

Arrive le moment du passage en caisse, que l’intéressé attend - pour une fois - avec un plaisir un peu puéril, car c'est un peu Noël avant l'heure, généralement synonyme d’obtention d’échantillons de mini vaporisateurs qui guideront, le cas échéant, l’achat de la prochaine senteur connotée vétiver, chypre ou musc dont l’homme parera son cou viril et ses abdos d’acier (no pun intended).

Et là, bam, bang, boum, le coup de bambou sur la tête, l’Eurostar dans les pecs, trente-six chandelles, ah non pardon, trente-sept… Car Monsieur, au lieu de vous glisser quelques petits étuis siglés Givenchy, Paco Rabanne ou Dior (on obtiendra rarement Hermès et jamais Guerlain), la vendeuse – que vous qualifiez vengeusement de caissière-manquant-singulièrement-de-tact… en fait non, le premier mot qui vous vient c’est la sal…. ! – avec un sourire entendu, met dans votre sac de courses une série de petits carrés plastifiées, voire – pire ! – de mini-tubes… de crème anti-rides. Et cela non sans se fendre au préalable d’un complice « vous verrez, cela fait des miracles sur les rides installées ».


Silence de mort.

Vous réglez vos achats avec un sourire contraint, franchissez le seuil de la boutique en notant mentalement de ne plus jamais y remettre les pieds et d’apporter désormais vos sous à la concurrence. Hélas, dans chaque boutique on vous servira la même saynète, un peu comme si un sixième sens développé exclusivement au contact des rayonnages de substituts au botox, aux vapeurs toxiques de l’éthanol dégagées par chaque vaporisation sur une languette-test de papier buvard, en raison d'un usage immodéré du fond de teint orange et de la pince à épiler sur les sourcils, avait ouvert un troisième œil chez les employées de parfumerie. Elles ne devinent pas, elles SAVENT que vous venez tout juste de passer le cap fatal.

Dès lors que vous passez le stade des trente-cinq ans, messieurs, sachez-le, vous êtes tricards pour les échantillons de sent-bon : à vous l’anti-rides ! Vous ne retrouverez les ravissants petits vapos - si pratiques à glisser dans un sac de week-end ou lorsque vous avez exprimé jusqu’à la dernière goutte de votre flacon préféré – que lorsque vous aurez atteint un âge si vénérable que seule la mort saura retendre les plis de votre visage.

Vanitas, vanitatem et omnia vanitas…

Si cela peut vous rassurer, elles font le même coup aux femmes, les vendeuses au teint orange… Seulement elles commencent dès 30 ans (et un jour), avec les soins tenseur-gigahydratant-prévention-de-sillons-inéluctables, alors ne vous plaignez pas trop fort.

mardi 23 mars 2010

Delicta juventutis meæ

Est-il raisonnable d'éprouver une certaine forme de nostalgie pour les années soixante-dix? Pour commencer, durant ces années-là, pour communiquer, nous étions condamnés à n'user que de machines à écrire à marguerite, de télex à bandes perforées, ce qui, on en conviendra, n'était pas l'apanage de tous hormis de quelques professionnels triés sur le volet.

Les vêtements se caractérisaient par un goût prononcé pour des couleurs improbables : jaune poussin, caca d'oie, vert colvert... Une vraie basse-cour si l'on y songe bien.
Quant aux formes, cols pelle à tarte, pantalons patte d'éph' ou coupe cloche, un véritable cagibi... La musique se partageait en courants bien distincts:

Il y avait le rock très rock réminiscence des années précédentes, des redites de Jerry Lee Lewis, de Chuck Berry et du King, pas encore mort, qui se produisait à Vegas avec foison de paillettes.

Il y avait le rock planant à tendance psychédélique des Floyds, des Doors, des Grateful Dead; on reprenait en fredonnant les refrains de Joan Baez, Bob Dylan, Simon & Garfunkel; on se déchaînait sur AC/DC, Scorpions ou Iron Maiden (oui déjà).

La musique électronique gagnait le devant de la scène et ses lettres de noblesse avec Kraftwerk (si, tout le monde connaît forcément Die Robots ou Radioactivity, sinon clickez là >http://www.youtube.com/watch?v=65uIQGSheCw ).

Mais surtout il y avait LA chanson française...
Et là, on touchait à la quintessence du genre... Que penser d'une époque où la tête des charts voyait se battre Léo Ferré (C'est extra), Mireille Matthieu (aaaaaah les mille colombes, comme quoi je me souviens au moins d'un titre d'elle), Alain Barrière (Tu t'en vas), Barbara (l'aigle Noir), Mort Shuman (Papa tango Charly), Georges Brassens (Fernande), Serge Gainsbourg (et ses sublimes Variations sur Marilou) face aux tubes du disco - y compris ceux produits par des Français?
Et on ne pouvait même pas emporter sa musique avec soi en voiture (à moins d'aimer les programmations des radios ayant pignon sur rue, car à l'époque point de FM, même pas encore vraiment de radios pirates chez nous). Et quelles voitures...

Ah les Simca, les R11, les 2CV et les 4L. Pour les plus nantis les Peugeot à formes arrondies qui gardaient encore une nostalgie des années 50. Des GS pour les amateurs de Citroën ayant alors les moyens, avec système hydraulique qui faisait écarquiller les yeux des enfants.
Lorsqu'on allumait le poste de télévision, on avait une, deux, allez peut être trois chaînes (cela fait si longtemps qu'on en perd la mémoire), les Tifins avant d'aller au lit, bonne nuit les petits, Nounours et le marchand de sable en couleurs, Saturnin le canard fuyant la fourbe belette, Casimir et le kiosque de Julie, les visiteurs du mercredi, Croque Vacances et la dame de Montsoreau, Garcimore, sa petite souris blanche et les fous rires de Denise Fabre.
L'époque était insouciante en apparence, en dépit de la crise bien présente, et des campagnes anti-gaspi au graphisme amateur.

Peut-être est-ce cela qui nourrit la nostalgie, l'inconscience des préoccupations que nous eussions eu si l'âge adulte nous avait alors frappé de plein fouet. Ou peut-être qu'au lendemain des trente glorieuses l'époque surfait encore sur l'illusion de la facilité, dans un monde où l'on ne vivait pas au rythme des sondages d'opinion et des statistiques omniprésentes aujourd'hui.
Nous vivons une époque stagnante et coercitive, cependant les avancées technologiques passées dont nous pressons aujourd'hui les fruits nous ouvrent des portes libertaires insoupçonnées alors, et notre libre arbitre ciselé au marteau d'un cynisme contextuel nous transforme en juge-pénitents, Clamence modernisés et suréquipés qui prenons la toile pour confessionnal en lieu et place d'une salle de bar des bas-fonds hollandais.

Blogs, réseaux sociaux, forums sont nos agoras fréquentées vingt quatre heures sur vingt-quatre, où nous déversons notre trop-plein de pensées, partageons nos émotions, dans un monde programmé pour la froideur et la réussite à tout prix. La nostalgie a le goût des Carambar d'antan, mais elle manque du sel de notre expérience.

Pourquoi ne pas avoir la nostalgie des instants à venir plutôt?