samedi 14 février 2009

France Cultissime

Les réveils de semaine sont bien souvent pénibles. Ils sont synonymes de précipitation - que ne ferait-on pour voler quelques minutes de songes douillets en plus - de regards angoissés vers l'oeil rouge des chiffres qui volent à toute allure et ne freinent jamais leur progression, hélas.

Ils sont de longs moments de réflexion passés à guetter les bulletins météorologiques pour mettre au point - avec la même rigueur qu'un technicien de la NASA étudiant l'isolation d'une combinaison pour sortir dans l'espace - l'assemblage des couches aux matières variées garantissant l'absence de frissons qui hérissent la peau et agitent de désagréables vagues un épiderme soudainement exposé aux rigueurs de la bise. L'assemblage technologique qui en ressort ne doit pas, cependant, présenter de faille chromatique trop perturbante (ainsi on s'abstiendra d'adjoindre une veste bleu canard - en dépit de son col fourré si réconfortant - à un pull rouge sang de boeuf, sous peine de nausées visuelles).

Ce temps de réflexion implique comme déjà évoqué une connaissance vague des conditions climatiques (le choix de chaussures étant, quant à lui, intimement lié au coefficient d'humidité voire de glisse des trottoirs parisiens, et qui évoque choix de chaussures induit, de façon incontournable, l'élaboration d'une réflexion quant au choix d'un sac idoine) et cette connaissance ne se peut gagner qu'en ouvrant une fenêtre sur le monde extérieur.

Oui, enfin, virtuelle la fenêtre, histoire de ne pas être tentée de rejoindre l'abri douillet de la couette par suite des effets thermiques de l'imprudente sortie d'un bras nu qui irait replier les volets.

En l'absence de téléviseur à portée de lit -ou à portée tout court en fait - ou d'ordinateur connecté en raccourci à Météo France, il ne reste plus que la radio...

Oui, mais quelle radio?


Cela fait plusieurs années que je cherche la fréquence dont l'écoute matinale réunira les multiples avantages de me donner l'information dont j'ai besoin quant à l'actualité, internationale, nationale mais aussi locale, de m'épargner les bêlements du péquin lambda dont on sollicite de plus en plus l'opinion et qui, franchement, m'atterre par sa bêtise et ses parti-pris, de me donner l'information climatique dont dépend le déroulement frénétique des minutes actives qui suivront, mais qui aura - en sus, histoire de relever le niveau d'exigence - la grâce de ne pas m'imposer de musique criarde, de spots publicitaires dignes des temps de postes à galène, de développements sans fin sur les hoquets du CAC 40 (dont je me fous royalement, entre nous soit dit).


Plusieurs années furent passées à écouter France Info... La récurrence des "flash" d'actualité sans détails et les opinions hautement subjectives de certains chroniqueurs (e.g. Davidenkoff le mercredi matin) parvenaient à faire de moi un véritable Jack in the box, mais mes tenues vestimentaires s'en ressentaient. Je cherchais tant à fuir ces échos dissonants que je me contentais d'attraper, au petit bonheur la chance, le moindre vêtement qui me tombait sous la main.
Résultat: rhumes attrapés dans les courants d'air faute d'un nombre de couches textiles suffisant, agacement de devoir subir de nouveau lesdits flashes (mais plus les chroniques, heureusement) pendant le trajet en voiture, vision étriquée d'une information que l'on livre désormais empaquetée dans l'opinion du journaliste qui a pondu les brèves.


En effet, depuis quelques années, afin d'inverser la tendance qui faisait de la presse une complice du pouvoir, et afin - semble-t-il - de se dédouaner de l'étiquette post-gaullienne d'une presse muselée, les journalistes des générations montantes n'hésitent plus à sortir des énormités, voire à ne pas croiser leurs sources, pourvu qu'ils en retirent une réputation de franc- tireur.

Lorsque vous avez à connaître d'une affaire en particulier et que vous les prenez sur le fait, ils sont, bien évidemment tout disposés à publier un démenti - si tant est que vous parveniez à démontrer la justesse de vos propos, en dépit des preuves apportées et des lois de la logique la plus élémentaire - mais chacun sait que les démentis sont souvent plus pris comme un moyen d'apporter de l'eau au moulin du propos mensonger initial (la justification a posteriori étant humainement considérée comme un moyen inefficace de tenter de dissimuler une faute).

Après tout qu'importe que la vérité soit (largement parfois) écornée : le journaliste a prouvé qu'il n'était pas at the Government's beck and call .

Cette dérive a tant touché la presse écrite - particulièrement avec le départ en retraite des anciennes générations - qu'il n'est guère plus que le Canard Enchaîné que je lis sans mettre tous mes radars en alerte (pourvu que ça dure), la politique de cette publication ayant toujours été le croisement systématique et préalable des sources.


Pour le motif que je viens d'invoquer, je me privai donc aussi de l'écoute matinale de France Bleue Ile de France, la période de la campagne électorale ayant été fort dommageable pour mon sens de l'équité et de la liberté d'expression. Car enfin, est-il admissible que deux journalistes recevant les appels du public (vox populi) puissent s'amuser à faire assaut de causticité ou de condamnation péremptoire dès lors que l'avis du péquin en ligne diffère du leur? Leur tribune n'était elle pas justement présentée comme un laboratoire d'opinions multiples et que l'on pût confronter ?

Hélas non, plutôt que de se borner au rôle de médiation qui est le leur, ils creusaient les tranchées et accentuaient les clivages dans le sens qui leur conférait la médaille de la sacro-sainte indépendance journalistique déjà évoquée.

Qu'ils prissent parti pour un autre camp ce faisant ne devait pas toucher plus profondément que cela leur conception de la déontologie.

Puisqu'il était écrit que je ne pourrais me réveiller sans être exposée à des opinions déjà formées, je me résolus alors de trouver l'antenne qui m'en fournirait une variété conséquente, saupoudrée d'une pincée d'analyse brillante et polémique, en confrontant des chroniqueurs aux opinions différentes voire opposées, mais dotés de l'intelligence qui permet le débat réel et non la superposition de monologues stériles.

Dieu merci, cela existait, sous la houlette d'un journaliste animateur sensé sachant ramener le calme, le cas échéant, et cela se passait sur France culture.

Se réveiller en écoutant Ali Badou interroger plus qu'intelligemment un invité, se sentir un peu plus cultivé en écoutant Alexandre Adler livrer son billet sur l'actualité internationale, s'amuser de certaines indignations d'Alain-Gérard Slama - toujours livrées dans un français ô combien parfait et doux à entendre - et découvrir la face cachée du monde grâce à l'ironie subtile et parfois mordante d'Olivier Duhamel... quel bonheur!

Hélas, trois fois hélas, afin d'avoir ma dose quotidienne de joie corticale, je me trouvais souvent encore dans la salle de bain à l'heure où résonnait les notes de piano annonçant le début de la Nouvelle fabrique de l'histoire, ce qui ne me mettait guère en avance pour aller travailler.

Un investissement technologique me permit toutefois de différer ces moments de bonheur au trajet menant à mon petit bureau... on appelle cela le podcast et, qu'il pleuve, vente ou neige, qu'il fût 8h45 ou 19h30, je pouvais à l'envi m'auto-infliger mon fix quotidien d'intelligence et d'actualité en tous lieux.

Il va sans dire que la nécessité de quitter la niche douillette de mon domicile et le doux son de la matinale de France Culture à temps induisit que je trouvasse une autre antenne pour le moment du réveil...


Surtout que, je le confesse, je commençais à tellement me sentir en famille en écoutant la bande à Badou que je me rendormais parfois comme dans ces soirées où, enfant, on sombre dans un coin de salon tandis que les adultes discutent de questions d'adultes.

Le hasard d'un coup de main mal placé au moment d'éteindre le radio-réveil me fit passer sur BFM et ,moi qui me tamponnais savamment le coquillard avec une patte d'alligator femelle (l'expression est d'une de mes tantes chéries - redde Caesari quae sunt Caesaris, et quae sunt Dei Deo) du CAC 40, j'en pris de telles overdoses que j'en arrivais presque à songer qu'il serait pertinent que j'en vinsse à me constituer un portefeuille d'actions!

Si j'avais le maniement de la molette un peu moins hasardeux, je tâcherais désormais de trouver - enfin, hélas je dois glisser dessus sans m'en rendre compte - France Inter, qui m'a été recommandé par des auditeurs fidélisés et fiers de l'être, gens au goût sûr je pense, qui plus est.


Ou alors, il ne me reste plus qu'à en appeler à la débrouillardise de mes pairs pour me signaler un engin de réveil me permettant de quitter le sommeil en écoutant la BBC, sans pour autant déménager mon ordinateur au pied de mon lit.

Si quelqu'un a une idée, je suis preneuse.
Aux longues heures du jour heureusement, les choix d'écoute s'élargissent aussi et - grâce à un logiciel dont il n'est pas utile de rapporter le nom - les vastes prairies du podcast s'ouvrent désormais à mes oreilles avides.