samedi 27 février 2010

Floraison printanière

Scène typique des samedis au matin, enfin vers midi et des poussières, en zone urbaine (autant dire à Paris) dès que le froid hivernal commence à céder la place à une vague tiédeur qui laisse envisager la possibilité que - peut-être, d'ici un ou deux mois, avec de la chance, si les dérèglement climatiques ne continuent pas à nous pomper l'air - la douceur reviendra et avec elle l'envie de se lever plus tôt pour profiter d'un rayon de soleil en prenant son café dehors.

Le mois de février touche à sa fin, et, sensible au calendrier comme peu, la hyène urbaine, autrement surnommée working girl, célibattante et autres qualificatifs restrictifs mais ô combien employés dans les magazines féminins qui ont pignon sur rue et qui font la pluie et le beau temps sur le nombre d'orgasme auquel la femme a droit, le nombre de calories qu'elle ne doit jamais dépasser et la longueur de sa jupe au-dessus du genou - ou en dessous de la hanche, c'est selon - la hyène urbaine donc, est sensible aux variations calendaires.

Elle n'a pas le regard dans le vague et a déjà noté que les portants des boutiques voisines avaient remplacé, en dépit des traces de givre persistantes, le tweed par l'organdi, le cachemire par le coton peigné, le goretex par la tulle. Elle sait, en son for intérieur, que les beaux jours arrivent, d'ailleurs n'est ce pas écrit en toutes lettres au fronton des Cosba et Bimo, Marie-Chantal et Claire-Marie (avec le nombre de kilos à perdre pour entrer dans un maillot dont le prix affiché - en toute amitié et sans intérêt commercial envers la marque - est inversement proportionnel à la quantité d'étoffe employée)?

Son rituel matinal - d'aucuns, des mauvaises langues forcément, jugeront bien entendu que midi passé fait entrer dans un créneau horaire qui ne relève pas de la matinée - du samedi, jour béni entre les dieux s'il en est, va donc se modifier. A l'heure où, quelques jours auparavant, elle se roulait encore avec délices dans la chaleur de son lit douillet en profitant pleinement de l'absence de sonnerie du réveil, elle décide soudainement qu'elle a une foule de choses à faire. En gros, une demi-douzaine de coups de fil urgents à passer à sa meute.

La hyène, en bon animal social, prend toujours la peine de croiser son emploi du temps avec celui de ses compagnes de meute, dans l'éventualité où elle aurait mal noté un rendez-vous pour un film ou un déjeuner dans son agenda électronique intégré - dont la réticence à enregistrer les rendez-vous à la bonne date et à l'heure idoine n'est pas sans faire lever le sourcil au vu de l'investissement financier qu'a représenté l'acquisition du support matériel intégrant ledit agenda - , dans l'hypothèse où un plan se dessinerait pour le week-end, enfin pour mettre à jour la base de données des informations fondamentales sur le Quiafaitquoi? Quiaéténomméoù? Quigagneplusquemoialorsquec'estunetanche? et j'en passe (dans les milieux corpo on appelle cela l'art du reporting).

Pour ce faire, elle a bien évidemment choisi d'utiliser son téléphone du XXIe siècle dont pas une techno-hyène ne saurait se passer, reconnaissable entre tous à la couleur neutre de son kit mains libres à double écouteur et micro discret, à la variété chromatique de son écran tactile équipé de multiples applications inutiles mais tellement indispensables (paper toss, ou l'art de balancer du bout du doigt des boulettes de papier dans une corbeille virtuelle, est une application culte chez les hyènes qui ont des patrons ou des collaborateurs atteints de réunionnite, si tant est que l'on est capable de retenir ses cris de joie lorsqu'on explose son score personnel) et dont le design s'adapte on ne peut mieux à tous les sacs à main qui hantent ses placards (merci à la société Pomme d'avoir pensé à cela).

Et c'est ainsi que - dès que février commence à ressembler au passé, les samedis matins, au lendemain de soirées passées à siffler des mojitos en séances d'afterwork/défouloirs ou à piquer du nez devant une série TV dont on ne connaîtra jamais le dénouement - aux terrasses et balcons parisiens fleurissent non seulement narcisses et jonquilles, mais aussi nombre de trentenaires en fleur, arborant nuisette, peignoir de soie ou autres accessoires de fin de nuit, le cheveu en bataille et l'oeil encore brumeux de rêves à peine clos, qui ont toutes en commun la présence d'écouteurs filaires blancs à leurs oreilles.

Aucun commentaire: