mardi 19 janvier 2010

Eritis sicut dii

(vous serez comme des dieux)


Je lisais hier un ouvrage plutôt sympathique sur le roman policier historique, ses origines, ses raisons d'être et les motifs concourant à son succès grandissant. Une réflexion à propos de ce dernier thème m'a interpellée finalement bien plus aisément que ne l'eût fait un article de philosophie...

Comment s'expliquer ce brusque retour de flamme envers les choses du passé, qui ne va pas sans s'accompagner d'un soudain désamour pour l'anticipation ou la science-fiction, genres ayant eu leurs heures de gloire non seulement dans les trois premiers quarts du XXe siècle mais plus encore aux siècles précédents (je me réfère ici aussi bien au voyage dans la lune du vrai Cyrano qu' aux romans d'aventure de Jules Verne, en passant par Orwell, Huxley, Herbert, Asimov, Bradbury et j'en passe)?

Un des auteurs de l'ouvrage, mais aussi certains des auteurs de roman interrogés dans celui-ci, semblaient y discerner une fuite de ce que réservait le futur, de la notion même de futur, en y opposant le goût prononcé et renouvelé pour l'anticipation en littérature et autres vecteurs fictionnels qu'avaient pu connaître nos grands-parents.

Cette fuite trouverait cette origine dans le doute que nous ressentons à l'égard de tout, sentiment très répandu à notre époque tant nous sommes écorchés par les rebondissements négatifs de l'existence. Mais ce doute, a-t-il d'autres sources qu'un sentiment de désappointement face aux promesses de l'aube non tenues par nos journées?

Peut-être qu'à force d'imaginer l'an 2000 comme quelque chose de merveilleux, un nouvel âge d'or ouvrant à l'infini le champ des possibles, qu'en y projetant des visions fantasmées d'un mieux-vivre emprunt de technologies révolutionnaires et reprenant à son compte les rêves de nos ancêtres (le voyage démocratisé dans la lune de Cyrano ou de Verne n'est certainement pas pour demain), nous avons usé notre jouet...

L'an 2000 fut donc l'âge de la Grande Déception.

Aucune avancée technologique majeure marquant une réelle rupture avec les temps d'avant...

De peur d'être de nouveau déçus en rêvant notre avenir, sans doute préférons-nous le réconfort d'un passé toujours vu comme un âge d'or - réflexe si humain - et offrant la sécurité d'un monde établi et connu, tout en gardant sa part de mystères aux yeux du plus grand nombre.

Nous ne sommes pas si lâches face à l'avenir que volontairement oublieux du courage dont il est nécessaire de se doter pour imaginer, envisager et attendre l'avenir. Et j'omets le courage qu'il nous faudra nécessairement pour le vivre.

Mais... où est donc le robot sensé m'apporter ma tasse de café à la température idoine? Fichu XXIe siècle, tout de même...

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour IdoneaV…,
J'arrive sur votre blog via l'œuvre de Jean Roudil. Peut-on acquérir certaines œuvres (marines du Nord, Grèce)?
Votre blog est très sympathique par ailleurs? Quelle est votre relation avec le graphisme?
Juste un mot au sujet de la "grande déception" des années 2000 : nous vivons depuis l'une des plus grandes révolutions qu'ait connu l'humanité. Elle touche l'essentiel : la communication, l'échange d'informations, l'accessibilité du savoir. C'est beaucoup plus puissant que Gutenberg. Ajoutez à l'ordinateur le mobile dans sa version smartphone et vous rendez compte de ce qui se passe. Etant éditeur, je suis bien obligé de le voir!
Cordialement,
Jean-Marc

Unknown a dit…

Bonjour Jean-Marc, et merci d'avoir laissé ces quelques mots.
Pour répondre à vos deux questions : certaines toiles de Jean Roudil (mon grand-père, ce qui répond partiellement à votre question suivante) peuvent être acquises auprès de ses ayant-droit. Je me contente de tenir, tant que faire se peut, cette drôle de galerie virtuelle qui succède à un site www créé du vivant de l'artiste et aujourd'hui disparu. Je peux en revanche transmettre aux personnes concernées un message de votre part via l'adresse suivante (fractionnée par mesure de prudence, les méandres de la communication actuelle recélant nombre de pièges redoutables): blogjroudil.admi , suivi d'une @ et de gmail point com.
Concernant votre seconde question, la réponse est au fil du blog, de gribouillis en retouches inexpertes, bon sang ne saurait mentir... J'espère un jour prochain pouvoir aussi aider ma mère, Roudil s'il en est et graphiste émérite, à monter son propre blog.
Pour finir enfin (même si verba n'est pas là pour induire verbeuse), je reviendrai sur le fond de votre commentaire: peut-on réellement considérer que les autoroutes de l'information sont un produit du XXIe siècle? L'internet était un outil déjà fort utilisé - certes par des initiés - dans les années 80 et il m'apparaît, qui plus est, comme un prolongement logique des découvertes que sont le télégraphe et le téléphone. Pas d'innovation à proprement parler donc, mais une considérable amélioration des conditions de communication à distance, comme le corrobore votre allusion à l'effort incroyable obtenu en matière de miniaturisation. Pour autant, nos rêves de l'an 2000 d'intelligences artificielles totalement autonomes et de dépassement de l'espace-temps n'ont pas connu de mise en pratique, et c'est triste en un sens. C'est plus à ce rêve d'avenir-là que je me référais en citant notamment certains auteurs, même si je reconnais que les projections imaginées par K. Dick dans Minority Report sont quasiment à notre portée (pré-cog exclus et c'est là tout l'intérêt du livre cependant). Merci encore pour votre passage ici, et n'hésitez pas à envoyer un mot à l'adresse indiquée supra si vous êtes intéressé par l'oeuvre de Jean Roudil. Je me permets de penser que le simple fait de savoir que quelqu'un prendrait un jour la peine de laisser un appréciation lui eût fait énormément plaisir. Cordialement
E.